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De Bali a la Normandie via Batu Karas : translations spatio-temporelles entre trois univers d une meme planete
Pour retourner de Lombok a Bali, on passe une nuit tranquille a bord du ferry ; beaucoup plus lent, roots et moins cher que le speed boat de l aller. On debarque vers 5h et retrouve directement le ''business Bali'' qui ne nous manquait pas specialement. Apres de vaines recherches, on se rabat sur un onereux taxi, seul moyen simple et rapide pour rejoindre la plage de Bingin ou on etait rapidement passes il y a une semaine. Nos projets initiaux; surfer ici jusqu a son vol retour pour Jeremie, et rentrer sur Java des ce soir pour moi.
Au sommet de la falaise de Bingin...
Jeremie trouve un hotel a 9€ la chambre double avec balcon. Entre dentistes, on ne se refuse rien! Pose directement sur la plage a l eau bleue comme un reve face a l incroyable vague de Bingin, le logement offre une vue imprenable sur l enfilade des spots les plus legendaires de Bali ; Bingin, Impossibles, Padang-Padang et Uluwatu.
On apprend qu on n a rien rate ici en partant sur Lombok ; depuis notre depart il n y a rien eu sur ces spots. Mais on imagine la vue quand ca rentre ; probablement des tubes interminables a perte de vue ! Et ca tombe bien, de la houle est annoncee pour demain. Du coup, je change de planning et signe pour au moins une nuit ; ce serait bete d etre venu a Bali sans avoir vu ce qui lui a donne ses lettres de noblesse.
La vue vers le sud depuis notre balcon ; la longue gauche d ''Impossibles''
Vers le nord, toujours depuis notre chambre ; la vague de Bingin
Le village de Bingin ou on loge, accroche a sa falaise.
L incroyable gauche de Bingin ; la vague la plus precise, facile et creuse de tout le coin.
A maree basse par contre, attention au corail qui est juste a fleur d eau
Mais on est a Bali et cela a un prix. La vague de Bingin est si precise et convoitee que la densite de surfeurs (souvent tres bons) dans la zone de take-off atteint des sommets. Pour cette raison, il est quasi-impossible de la surfer, sauf avant le lever du soleil ou a maree haute, quand elle se transforme en molassonne vague a debutants.
L autre vague en face de chez nous, c est ''Impossibles'', la bien nommee. Elle est composee de plusieurs sections qui seraient impossibles a connecter. On la tente, mais comme ce n est pas gros, il est effectivement difficile de trouver de vraies ouvertures pas trop rapides... On ne dirait pas sur les photos, hein ?
A Bali, c est comme ca ; pour surfer tranquille, c est soit la nuit, soit quand les vagues ne sont pas parfaites...
La section finale d impossibles ; elle fait rever, mais souvent trop rapide, et tres peu de fond. Elle ne donne pas toujours envie d etre au mauvais endroit au mauvais moment
Bali ; ''No money ? No heart !''
Un apres-midi, je pars a la recherche d internet. Arrive au sommet de la falaise, je cherche a louer un scooter pour me rendre au cyber de Padang-Padang, a quelques kilometres de la. Apres quelques recherches, je m apercois que, business oblige, on ne me louera quelque chose pour une seule soiree qu a condition que je paye plus du double du prix normal. Ca ne respire pas la bienvenue, et plutot que de courber l echine face a cette agression, je decide de partir a pieds, la planche sous le bras.
Apres une tentative de surf pour le moins decevante a Padang-Padang et une mise a jour du blog sur le net, il est temps de rentrer, et il fait bien nuit... Quelques ojek (taxis-scooters) me proposent de me ramener pour des sommes disproportionnees ; je tente de negocier, mais en vain. Il faut soit payer 10 fois le prix normal, soit marcher. Je continue donc a pieds.
Au gre des chemins, je me perds dans la nuit alors que je rencontre de plus en plus de chiens errants vraiment intimidants qui me grognent dessus au milieu de nulle part. Il doit passer un scooter toutes les 5 ou 10 minutes, et si tu veux de l aide, il faut payer, meme si on ne manque pas de me rappeler ''c est dangereux de marcher seul la nuit'' !
Je finis par trouver un long escalier perdu qui descend dans les profondeurs de la foret vers la plage, totalement obscur, glissant, inconnu, et je n ai aucune idee de la plage sur laquelle il va m emmener. Je n ai aucune lumiere hormis l ecran de mon telephone et quelques bestioles me filent entre les pattes... ''Des serpents ou simplement des rats ?? Gloups''. Je croise les doigts pour qu une armee de singes ne me tombe pas dessus, et je suis vraiment soulage quand j arrive enfin a la plage, mon univers a moi, si deserte et isolee soit-elle ! Je ne suis plus tres loin de l hotel, mais la maree haute me barre la route ; je finis donc a la rame dans le lagon, situation toujours un peu angoissante en pleine nuit, mais toujours plus rassurante que de marcher au milieux de chiens agressifs !
Tout ca pour dire a quel point le business a denature les relations humaines ici. J aurais pu me faire bouffer par une meute de chiens que ca n aurait derange personne ; de toute facon, des touristes qui payent, y en a plein d autres. Cette histoire ne me serait surement pas arrivee sur Java ouest. J ai eu bien peur et je m en rappellerai . Pour moi, Java reste ''Gotong Royong'', mais Bali sud c est ''No money ? No heart !''
Il y a aussi la plage de Dreamland, pas tres loin de chez nous ; issue du delire megalomane d un politicien local, c est une plage grand standing avec une immense boite de nuit qui accueille tous les pires beaufs venus de toute la planete... Un apres-midi, les gens font presque la queue pour se prendre en photo avec Jeremie le surfeur de Bali, comme on se prend en photo avec Mickey a Eurodisney. Je rebaptise l endroit chewing-gum beach ; ca lui va mieux que dreamland.
Jeremie, le surfeur de Bali, en action a chewing-gum beach. Il subira la-bas le comportement agressif des surfeurs locaux qui doivent etre un peu verts que leurs vagues soient devenues si surpeuplees.
Jeremie quitte finalement Bali avant moi. Je retrouve Kathy et Xenia, deux allemandes que j avais rencontrees a Batu Karas. Elles se garent 15 minutes au sommet de la falaise et retrouvent leurs pneus degonfles. Motif ; ici c est stationnement interdit, mais surtout, on n aime pas trop les touristes !
On teste la soiree boite au Single Fin, le haut lieu de la fete a Uluwatu, juste au-dessus du fameux spot. Eh ben, quel concentre de cliches ! Il y aurait de quoi faire de bonnes photos pour Hawaiimegasurfdestroy ! Plein de surfeur girls et de beach boys australo-franco-anglo-americano-russes dans l ambiance la plus decalee par rapport a l image, presque mystique, que j avais de ce lieu legendaire avant ce voyage... Bref, entre les vagues surpeuplees ou trop rapides, l ambiance plastique, le ''no money, no heart'', je me demande vraiment ce que je fais encore la... Il n y a certes aucune veritable raison de se plaindre dans ce paradis artificiel, mais c est tout autre chose qui m avait pousse a faire ce voyage en Indonesie. Sortant de ma torpeur de lazy-tourist, je realise subitement que je n ai que perdu beaucoup trop de temps a Bali.
Je file sans trop reflechir a l aeroport ou je reserve le premier vol pour Java. J ai 7h a tuer en attendant l avion, et toujours aussi soif de surfer. Je saute alors dans un taxi direction la plage du coin, Kuta. Tout le monde m a prevenu ; il ne faut pas aller a Kuta, c est le pire du pire ; du concentre de merchandising au royaume des apparences... Mais il faut tout voir dans une vie !
Je me retrouve sur l immense plage surpeuplee avec mes 20 kg de bagages et il n y a pas de vagues ; juste des vendeurs ambulants et des touristes bedonnants. Un surfeur m indique le reef du coin ; c est ''airport s rights and lefts'', un recif situe a 500m de la plage, juste a cote de la piste d aterrissage de l aeroport international et de son incessant ballet. J y cours avant que la nuit ne tombe, cherche en vain un bateau-taxi pour m emmener au large, et finis par demander l asile dans un de ces luxueux complexes hotelliers qui bordent la cote. Je depose mes affaires au bord de la piscine haut de gamme et file a la rame vers le peak.
C est loin du bord, inconnu, l orage gronde sur le large et la nuit commence a tomber... Une fois au large, c est heureusement assez petit (1m), et casse dans tres tres peu d eau ! Il n y a parfois meme pas assez de fond pour ramer. Heureusement, je rencontre au peak deux surfeurs australiens qui sont venus en bateau, mais qui doivent comme moi rentrer a la rame ; leur compagnie rendra le retour nocturne moins flippant...
Une fois dans le voyage, je m offre le restau de luxe, me disant que tant qu a etre a Kuta, autant vivre comme a Kuta !
Happy birsthday in Batu Karas
Apres 2h d avion, mon pote Arya vient me chercher a l aeroport au milieu de la nuit avec des amis ; deja ca sent bon l hospitalite ! On dort chez lui a Bandung, et il m emmene au bus le lendemain. 11h de trajet plus tard, me voila a Cijulang, un peu degoute d avoir passe ma journee d anniversaire coince dans un bus au lieu d etre a la plage. De Cijulang a batu Karas, il faut prendre un Ojek, ce qui est complique avec tous mes bagages. Mais comme Java est le pays des solutions, moyennant 4€, le chauffeur du bus accepte de detourner son vehicule et ses occupants sur 10km aller-retour, rien que pour me faciliter la tache... Bienvenue a Java !
En fait le retour a la simple hospitalite sundanaise sera mon cadeau d anniversaire. Plus que jamais, je me dis ''Bali c est fini ! La verite est ici, sur Java ouest''.
Jour de fete oblige, je paye ma tournee d arak et on va a un concert de Dangdut, cette musique populaire sundanaise indianisante et un peu criarde qui mele sons occidentaux et instruments traditionnels.
Super ambiance ! Ca danse de partout et les chanteuses, tres jolies, fonctionnent un peu comme des juke-box : on leur donne quelques billets pour commander une chanson particuliere.
Promenade en foret avec les potes du shelter
Et encore quelques vagues pour la route avant de rentrer en France.
Le point est surpeuple et il y a meme une compete le dernier jour... Ce qui est ma chance du voyage ! Le reef est alors laisse a l abandon et je peux y passer des heures seul a manger, boire, dormir, prendre des tubes et faire des rollers.
Mais toutes les bonnes choses ayant une fin, il est bientot temps de rentrer. Signe du destin, l arbre qui suportait le hamac aux bun-outs est tombe a la mer... Ma mission est terminee et je peux rentrer en paix.
Dernier repas dans un de ces restaus crados du bord de route, ou j aime tant le contact avec les sundanais.
Et retour a Jakarta pour le vol retour, grrr
Sweet home Normandie, again and again !
Rien de tel qu une bonne soiree famille/potes, quelques vagues sur mes bancs preferes et quelques balades dans les paysages ensoleilles de la Hague pour (re)comprendre que mon chez moi est bien ici...
Difficile de croire que depuis mon depart, il n y a eu que du temps pourri et une grande disette de vagues... J arrive pile au bon moment !
Vagues desertes, creuses, parfaites pour les tubes et les manoeuvres, gens sympas et paysages magnifiques. Comme si la Hague cherchait a me faire comprendre que ce que j etais parti chercher a l autre bout du globe etait la, sous mon nez, depuis toujours. A la temperature pres, peut-etre !
Au prochain trip !
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